Kanoush a écrit :
Je considère que je n'impose rien à personne, c'est uniquement ma vision des choses.
Oui, et si tout le monde parle de sa vision des choses on se retrouve encore à se demander si on dit chocolatine ou pain au chocolat. Tu parles de TA vision personnelle mais tu fais quand même une injonction au ressenti en exigeant des femmes qu'elles ne s'apitoient pas sur leur sort. Mais le fait est que, dans une lutte, on passe toutes et tous par différents stades, différentes phases. Chaque chose en son temps : si une femme est attristée, c'est normal. Si une autre est en colère, aussi. Si une autre est tellement habituée à cela qu'elle en devient blasée (moi par exemple), même chose.
On peut même tout ressentir en même temps. Chacun reçoit ces informations d'une façon différente, les appréhende à sa propre manière. On n'a pas tous-tes été éduqué-e-s pareillement, du coup on n'a pas forcément les mêmes armes pour se battre et se défendre. Bref j'en ai fini sur l'aspect "ressenti".
Kanoush a écrit :
N'empêche que c'est pas trop ma faute je suis au lycée (en gros je suis encore un bébé immature),
Personne n'a dit ça, tu sais j'ai des ami-e-s qui sont encore au lycée et j'ai bien plus de plaisir à discuter avec elleux qu'avec des adultes de 30 balais, parce qu'iels ont une vision objective des choses, qu'iels sont éduqués sur certains sujets et que, techniquement parlant, on peut donc plus facilement "organiser" et "trouver sa place" dans la lutte.
Kanoush a écrit :
j'ai pas des notes moins bien que les garçons
Les filles réussissent souvent mieux que les garçons à l'école.
Kanoush a écrit :
et je n'ai jamais été agressé ou harcelée dans la rue (comme quoi que pas être gâtée par Dame Nature ça a des avantages;))
Non, tu es chanceuse et ton physique n'a rien à voir avec ça. Je ne me considère pas comme étant une femme particulièrement canon mais cela n'empêche qu'à chaque fois que j'ose mettre le nez en-dehors de chez moi je me prends forcément une réflexion, de la plus soft à la plus crue (on a une belle fourchette de possibilités c'est génial).
Le harcèlement de rue et le harcèlement sexuel en général n'ont rien à voir avec le physique à proprement parler (hormis le fait que tu sois vue comme une nana et que ce soit l'élément déclencheur, mais on peut aussi être harcelé-e parce que l'on est transgenre etc) mais avec la manière dont sont perçues, traitées les femmes, notamment le fait que balec de leur consentement on s'arroge le droit à les harceler.
Peut-être même un jour t'es-tu pris une réflexion sexiste sans t'en rendre compte. Moi l'autre jour je sortais avec ma maman dans la rue et un type m'a traitée de sal***, c'est ma mère qui l'a entendu. Comme quoi.
Kanoush a écrit :
donc peut-être me direz vous que je ne pas trop parler sur le sujet mais vu que j'suis féministe un minimum et pas trop égoïste non plus, je me sens comme même concernée[...]
Mais si, tu es concernée. Même la plus anti-féministe des femmes sera concernée, parce qu'elle fait partie malgré elle d'un groupe dominé. Dernièrement sur twitter je suis tombée sur un article où des femmes de l'alt-right américaine se plaignaient du sexisme et de la misogynie dont faisaient preuve leurs homologues masculins au sein de leur organisation politique. J'ai envie de vous dire les nanas... C'est pas parce que vous faites copain-copine avec les pires raclures que porte cette terre que vous allez être épargnées de tout sexisme.
Kanoush a écrit :
[...]et je trouve personnellement que pour réussir à faire entendre nos voix, faut avoir du caractère, faut être forte et pas se la jouer sentimentale parce que tout le monde à un jour appris dans sa vie que jouer sur les sentiments ça marche moyen voire pas du tout.
J'ai beaucoup de mal à comprendre où tu veux en venir quand tu parles de "sentimentalisme". Tu fais référence à quelque chose de concret, de particulier ?
Tu sais, tout le monde n'a pas la force mentale pour affronter et combattre les oppressions. Encore une fois, CHACUN-E fait comme iel peut. Je n'ai pas participé au #balancetonporc ni au #metoo quand j'aurais très bien pu, parce que je suis concernée. Mais je n'ai pas la force de le faire, et je soutiens TOUTES les femmes, qu'elles aient eu le courage ou non de dénoncer, je ne fais pas de différence, parce que nous sommes toutes concernées et que chacune lutte à son niveau. Les luttes peuvent aussi être intérieures.
Il n'y a pas de "faible" ni de "fort", il y a des femmes qui sont violentées parce que femmes.
D'ailleurs, l'avènement des réseaux sociaux PERMET aux femmes, aux racisé-e-s, aux opprimé-e-s en général de faire entendre leurs voix, il ne faut pas oublier cet outil qui fait beaucoup bouger les lignes à l'heure actuelle. La lutte s'organise dans un contexte donné, la façon dont luttaient nos grand-mères n'est pas la même qu'aujourd'hui et c'est normal. Si la rue est un lieu pour s'exprimer, elle n'est heureusement pas le seul.
Kanoush a écrit :
Alors, bien sûr c'est plus facile à dire qu'à faire, chacun est responsable de lui, de ces décisions et de comment il aborde le problème
Exactement ! Laissons les femmes décider pour elles. C'est bien l'un des principes fondateurs du féminisme.
Kanoush a écrit :
Alors le 2), j'suis d'accord la question se pose même pas l'éducation est à la base de tout mais pour le 1) euh j'suis désolée mais si on réfléchit comme toi rien ne changera jamais. D'ailleurs j'comprends vraiment pas ce que tu entends par "beaucoup d'argent"
Ah mais ce n'est pas moi qui le dis, beaucoup d'autres personnes (et j'entends par là des femmes et des hommes qui produisent des travaux à ce sujet) seront d'accord pour dire que pour éduquer, il faut subventionner. Sans argent, pas de moyen pour financer l'éducation, les campagnes. Mais aussi, pensons aux inégalités de salaire. C'est bien l'argent, le thème principal là-dedans, non ?
Frosette a écrit :
HelvegeN -> le problème c'est que l'argent ne suffit pas à résoudre le problème. Il faudrait modifier les représentations en profondeur...
Oui, et pour modifier les "représentations en profondeur", nous avons besoin d'argent (cf ce que j'ai dit au-dessus). Intéressez-vous à ce que disent les sociologues, les féministes. Iels l'expliqueront sûrement mieux que moi.
Ici : http://www.lejdd.fr/societe/harcelement-sexuel-faire-changer-les-mentalites-dun-pays-coute-de-largent-3483557 (lisez, vous allez comprendre).
Je cite Caroline de Haas : "Faire changer les mentalités d'un pays coûte de l'argent", martèle Caroline De Haas qui insiste sur l'importance de l'engagement de l'Etat : "Ce ne sont pas les entreprises qui vont sensibiliser leurs salariés au problème du harcèlement. Celles qui le font se comptent sur les doigts des deux mains. Le meilleur levier reste la puissance publique."
Dernière modification par HelvegeN (Le 26-12-2017 à 17h08)