On va faire un peu la meuf tatillonne tiens ça faisait longtemps.
Pour faire un peu les trucs dans l’ordre :
J'ai énormément de mal avec le terme "pseudo-féministes". Y'a PLEINS de courants avec qui j'ai des désaccords de fond extrêmement profonds, notamment niveau confusion des termes genre/ identité de genre, l'usage de certains termes qui ne veulent rien dire ou dont les définitions sont au mieux floues et inconsistantes (problématique, toxique, woke...) ou au pire sont carrément, pour moi, des obstacles à la mise en place d'une réflexion voire d'une action politique (la recherche du "safe" et de l'inclusivité à tout prix sans se poser deux minutes pour remplacer les choses dans leur contexte social par exemple, raisons pour lesquelles je conchie allègrement les termes AMAB/AFAB (assigned male/female at birth)), le fait de s'écarter de la matérialité des rapports sociaux pour analyser le monde et lui préférer le ressenti, par exemple. Si ça intéresse des gens je serais ravie d'expliquer pourquoi.
Bref, le souci du terme pseudo-féministe, c'est que, en creux, il donne des médailles de féminisme, et donc se permet de dire kikéféminist, et kikilépa. Or pour moi, la question n'est pas là, mais bien plus de savoir quel projet de société on porte : un monde où y'a autant de dirigeant.e.s femmes que d’hommes ? Une égalité dans la loi avec application de celle-ci ? La création de la possibilité de n'être ni homme ni femme ? L'abolition pure et simple du genre ?
Techniquement, et avec une définition large, tous sont féministes puisqu'ils reconnaissent une inégalité de traitement entre les hommes et les femmes et ont pour objectif sinon de l'abolir complètement, au moins d'améliorer le sort de ces dernières. Ce n'est pas pour autant que certaines de ses formes sont, pour tout le monde ici, "extrémistes" ou "insuffisantes".
En revanche, il est judicieux de dénoncer celles et ceux qui ne se soucient du sujet que lorsqu'un fait divers glauque concernant les migrants et/ou les banlieues fait les gros titres, mais de le dénoncer pour ce que c'est: de l'instrumentalisation, généralement dans le but de mettre en place des politiques racistes et sécuritaires pour des gens qui, le reste du temps, se soucient du sujet comme de la reproduction des crabes en Patagonie occidentale.
Sans se voiler la face pour autant: des "vraies" féministes racistes, essentialistes ou que sais-je encore, ça existe.
Pour ce qui est du terme "minorité" faut pas oublier un point important, qui est que la vue du groupe dominant est vue comme universelle, tandis que celle du groupe dominé est vue comme un particularisme. Par exemple, une chose que l'on retrouve beaucoup dans certains milieux est de dire que comme l'abolition du capitalisme concerne tout le monde, il s'agit de la seule "vraie" lutte, qui donne naissance à toutes les autres. Le féminisme serait une particularité voire un individualisme puisqu'il ne concerne pas "tout le monde" mais uniquement les femmes, et qu'il s'agit d'une lutte qui viendrait se "greffer" en plus.
Or, cette manière de présenter les choses présente deux problèmes majeurs :
- Premièrement, il occulte les liens étroits qu'entretiennent les rapports sociaux de sexe (aussi appelé genre) et le capitalisme. Le travail des femmes et leur assignation à la maison permet de renouveler la force de travail des hommes, ce qui leur permet, ensuite, d'aller se faire exploiter à l'usine. Le travail reproductif permet de créer et d'élever de futurs travailleurs, et il est donc intéressant de maintenir une certaine emprise sur le pouvoir reproductif des femmes.
- Deuxièmement, il place l'expérience qu'ont les hommes du capitalisme comme "générale", et celles des femmes comme "particulière". Sans entrer dans de banales considérations mathématiques qui ne seraient, je pense, que peu pertinentes, il faut plutôt à mon sens faire remarquer l'androcentrisme de cette remarque. En effet, en quoi l'expérience qu'ont les hommes du capitalisme serait-elle plus neutre que celle des femmes ? Les deux sont modelés par les rapports de genre, celles des hommes parce qu'ils bénéficient du travail des femmes pour renouveler leur force de travail ou pour leur permettre d'accéder aux sphères de pouvoir en se délestant du travail domestique et de l'élevage / éducation des enfants (lire à ce sujet : http://www.cee-recherche.fr/publications/connaissance-de-lemploi/jai-une-femme-exceptionnelle-carrieres-des-hommes-hauts-fonctionnaires-et-arrangements), sphères de pouvoir pensées par eux et pour eux, et celles des femmes parce que, justement, elles effectuent ce travail, en plus d'avoir encore le stigmate de sortir de ce qu'on attend socialement d'elles, à savoir de s'investir majoritairement / uniquement dans la sphère domestique pour fournir un travail gratuit dont il est possible pour le conjoint de disposer à sa guise.
Pour ce qui est de Ghandi, et si effectivement faut rappeler que le gars n'est pas tout à fait un saint, ce qui m'emmerde surtout quand on l'érige comme icône de la non-violence c'est que bah... ça occulte totalement la situation politique de l'Inde à ce moment-là.
Déjà la situation du Royaume-Uni à cette époque est particulière: promesses de libération pendant la seconde guerre mondiale, situation économique très affaiblie par cette dernière qui ne permet plus la répression des systématique des indépendantistes, pression des USA, de l'ONU et de l'URSS pour inciter à la décolonisation, certains mouvements d'affaires qui pointent le coût des colonies et incitent à se tourner vers les USA et la construction européenne...
En outre, son mouvement n'était certainement pas le seul à œuvrer pour la libération des Indes; d'autres n'hésitaient pas à avoir recours à des méthodes plus... expéditives, dirons-nous.
Mais surtout parce que placer Gandhi comme chantre de la non-violence à tout prix c'est un peu rigolol quand on sait que sa position était largement plus nuancée que ça http://www.laviedesidees.fr/La-non-violence-est-elle-possible.html
Sans compter que j'ai un peu de mal à dire qu'il faudrait faire une croix pure et simple sur des gens parce qu'à leur époque ils étaient pas "safe". Ghandi était carrément raciste et sexiste, les suffragettes aussi (oui oui), Beauvoir a écrit de grosses conneries sur le lesbianisme dans le 2e sexe, Delphy relaye des trucs transphobes... est-ce que pour autant on doit les renier ? Pour moi non. En revanche il faut être critique avec leur héritage, avec leurs textes, et dénoncer leurs propos lorsque c'est nécessaire.
Mais pas faire table rase du passé est pour moi contre-productif. Il n'est juste pas possible, en 2018, de se passer des apports de Delphy et de Beauvoir pour parler du genre. Comme il est impossible de faire l'impasse sur Malcom X pour le racisme malgré un sexisme qui peut être très virulent. On est une lutte politique plus que centenaire, acceptons notre héritage. Dans ce qu'il a de beau, mais aussi dans ce qu'il a de sale. Et tirons-en des leçons pour ne plus faire les mêmes erreurs.
Et là je vais faire ma meuf ronchon mais... pour moi, débattre en milieu clos ce n'est pas "militer". Militer, c'est effectuer des actions tournées vers l'extérieur en vue de provoquer un changement social.
Il ne s'agit pas de nier le travail, indispensable, fait par exemple Crêpe Georgette ou par le Seum collectif (et si vous n'avez pas tout lu d'elleux, bon déjà vous foncez le faire avant que leur site soit mis hors ligne, parce que 1) C'est trop bien et 2) C'est trop bien), qui permet de former les militantEs et de massifier. Mais seul, c'est insuffisant. L'objectif du militantisme doit être d'instaurer un rapport de force en vue de forcer les gouvernements à plier et à rendre l'argent / rendre la société plus égalitaire via l'appareil législatif.
Or, et pour le dire simplement, des débats sur internet le gouvernement il s'en bat les steaks. Seul le fait de trainer des sujets sur le devant de la scène pour en faire des débats sociaux, puis de faire suffisamment basculer le corps social dans ton camp pour que le gouvernement ait quelque chose à perdre (dans l'idéal) à ne pas répondre à tes attentes, ou en tout cas quelque chose à y gagner à le faire via de la propagande (ou de la communication si vous aimez la langue de bois).
Idem, (et désolée de faire ma chipoteuse) mais féministe intersectionnel, ça veut pas/plus dire grand-chose. Outre le fait que j'ai énormément de mal avec les gens qui s'en réclament en étant blancs (oui parce que doit-on le rappeler Crenshaw vient du black feminism à la base) et qu'il s'agit à la base d'un outil d'analyse plus que d'un courant, ce terme a été totalement vidé de sa substance révolutionnaire en terme de remise en cause des catégories comme ayant du sens hors du social pour, souvent, devenir un concours d'étiquettes à base de oui-mais-je-suis-plus-oppressé.e-que-toi.
Or, être "plus oppressé" ça ne veut rien dire. Oppressé (et comme je suis une vilaine matérialiste je préfère largement le terme "exploité"), on l'est ou on ne l'est pas, y'a pas de concours. l'exploitation par un aspect (ici le genre) se mélange à d'autres (par exemple la race), qui modifie notre rapport au corps social, sans que ça soit un "empilement" façon Legos.
Le meilleur exemple de ça est l'intersection entre la race et le genre:
Si les femmes musulmanes ou perçues comme tel "cumulent" deux oppressions, il est des aspects du racisme auquel elles sont nettement moins confrontés que les hommes; à savoir les violences en général et les violences policières en particulier, le premier point n'étant vrai que si elles ne portent pas le voile (sinon, elles en subissent plus).
On pourrait également citer le cliché de la beurette-prisonnière-de-sa-famille-mais-qui-essaie-de-s'en-sortir, qui donne aux professeurs un regard plus bienveillant sur la scolarité des filles que sur celle des garçons arabes, même si cette bienveillance est emprunte de condescendance et de clichés islamophobes.
Du coup, les objectifs de l'intersectionnalité s'étant pour beaucoup perdu dans les limbes, on assiste parfois à des analyses des rapports sociaux se voulant intersectionnel de tous les courants. Généralement libéraux malheureusement, tant l'analyse individuelle gangrène le cyber-militantisme, mais heureusement aussi parfois plus tourné vers le coté radical de la force.
Pour les incels, celles qui lisent pas l'anglais vous pouvez lire cet article du monde http://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/04/24/attaque-de-toronto-qui-sont-les-incels-ce-groupe-de-celibataires-auquel-se-refere-le-suspect_5290048_4408996.html?utm_term=Autofeed&utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#link_time=1524610140 qui résume pas trop mal le truc. Une raison de plus de rappeler que si le féminisme n'a jamais tué personne, le machisme lui, tue tous les jours.
Rappelons également que si ces types sont une forme extrême de haine des femmes, les concepts de "nice guy" et de "friendzone" sont déjà des saletés misogynes en soi.
Katatiina A dire vrai on s'est barrés du discord, bicauz trop de dramas et on en avait marre que les concours de radicoolité et les liens affectifs prennent le pas sur le débat politique et sur les projeeeeeets. Du coup on a scissionné et fait bande à part, on doit être 11 actif.ves à bosser là (enfin, entre les examens et le boulot selon les gens, ça va pas super vite)
Norellenilia Insulte pas le boudin, le boudin est une noble spécialité culinaire (même si en vrai c'est dégueu). Et t'as bien compris.
Et vu que Badmoizelle c'est dla merde depuis pas mal de temps maintenant, je vous conseille l'incontournable blog de Valérie et le seum collectif.
http://www.crepegeorgette.com/
https://leseumcollectif.wordpress.com/
(oui je les conseille deux fois kesskia)
Pour celles qui ne savent pas ce qui est reproché au magazine, on parle de témoignages anonymes et directs (via un twitter dénonçant le cyberharcèlement)très graves, venant d'anciennes employéEs ou stagiaires, de harcèlement moral et sexuel / seinte fresque (pck avec les seins des (anciennes) employées lol / sollicitations permanentes hors des heures de travail / non payement d'illustratrices et graphistes (pour faire de la pub à ce qu'il parait) etc.
Rappelons aussi que, en tant que féministes, nous nous devons de croire par défaut les femmes qui disent avoir subi ce genre de choses, déjà car les chances qu'elles mentent sont très faibles, mais aussi voire surtout car nous nuisons bien plus en refusant de croire qu'en croyant (dans la mesure où nous n'avons aucun pouvoir sur la personne incriminé).
Rappelons également que ne pas porter plainte ne veut pas dire qu'il n'y a rien. Seul 11% des victimes de viol portent plainte (les statistiques les plus pessimistes descendent même à 5%) et pour le harcèlement au travail ce n'est guère plus glorieux, d'autant que c'est quelque chose d'extrêmement difficile à prouver.
Rappelons enfin que Madmoizelle n'est pas le seul média féministe mis en cause pour ce genre de chose, c'est également le cas de Causette (condamné pour harcèlement moral là par contre).
Pour ce qui est du "on peut détruire des gens", laissez-moi rire. Petit florilège de gens ayant été accusé voire condamné pour viols et/ou de violence de genre et qui vont parfaitement bien: http://www.mirionmalle.com/search?updated-max=2016-11-22T07:28:00%2B01:00&max-results=2&start=8&by-date=false
Nannyehi Je sais pas le cadre choisi par la non-mixité de Zicielka mais histoire de donner une réponse rapidement tout de même: normalement on choisit son cadre non-mixte en fonction de ses objectifs politique et non dans le but d'être inclusif (<= impopular opinion 101)
Par exemple, le combat pour le contrôle des naissances est un combat de FEMMES. Non parce que seules les femmes ont un utérus et peuvent tomber enceintes (y'a des hommes trans qui en ont, et des femmes, cis ou trans, qui en ont pas), mais parce que ce qui est visé c'est le fait de maintenir les femmes, en tant que classe de sexe, dans la sphère privée pour qu'elles fournissent du travail domestique et reproductif et restent au service des hommes.
Sans compter que l'assignation au travail reproductif pèse sur toutes les femmes indépendamment du fait d'avoir ou non des enfants.
Du coup il peut faire sens de faire des réunions non-mixtes sur ces sujets exclusivement entre femmes cis et trans.
A l'inverse, le sujet des violences gynécologiques concerne les femmes et toutes les personnes trans, puisque ce qui est dévalorisé ici est la féminité rattaché à un organe (et vice versa) et non les rôles sociaux.
Et oh damn, pavé.
Dernière modification par Evelirune (Le 25-04-2018 à 16h54)