Yosh, j'vais essayer de répondre vite fait (en retaaaaaard) parce que j'ai vu deux trois trucs qui m'ont donné envie de réagir.
C'est pas un peu sexiste dans le fond de parler de lesbienne féminine/masculine ? Je suis un peu perdue je ne sais pas vraiment ce qui peut être connoté sexiste ou non, à force...
Si tu fais références aux butchs/fems à mon sens non, car il s'agit d'identités politiques. Ces catégories font référence à comment la société perçoit les femmes lesbiennes et comment ces dernières se réapproprient les codes du genre pour mieux les subvertir.
Pourquoi parler de "transidentité" alors qu'il s'agit plutôt de "personnalité" d'après ce que je lis ? C'est peut-être pas la peine (voire dangereux) de chercher à rentrer dans une case ou une autre quand les humain-es n'ont pas être hiérarchisé-es en fonction de leurs différences... Je sais pas, on a un sexe biologique et une personnalité unique et propre à chacun-es, pourquoi ajouter cette notion patriarcale et essentialiste qu'est "le genre" ?
Non, les personnes transgenres effectuent ce qu'on appelle une transition pour modifier leur apparence de manière à prendre les marqueurs de l'autre genre afin de changer de classe de sexe. De ce fait, elles subvertissent le genre en tant que système, qui sépare l'humanité en deux moitiés étanches et hiérarchisées. Ce qui a pour conséquences de leur faire subir des violences énormes, que ça soit de la part de leur entourage ou du corps médical, car leur simple existence remet la division sociale en question.
Au passage, le sexe est une donnée sociale (= passer de "cette personne a des appareils génitaux de telle forme" à "cet personne est un homme/une femme", et ne parlons même pas du fait de transformer un spectre en dichotomie fermée...), et idem pour le genre. Du coup parler d'essentialisme pour désigner le genre, ça témoigne d'une incompréhension totale du concept.
qu'est-ce qui fait de moi une femme?
Pour moi c'est précisément à cause de cette question que je hais viscéralement la vision libérale et individualisante du genre que l'on peut retrouver sur (par exemple) unique en son genre. On ne se "sent" pas homme ou femme. La société nous assigne homme ou femme. Ce sont des classes sociales, dans lesquelles on se reconnait plus ou moins, dans lesquelles on est plus ou moins à l'aise.
De la même manière, on a pas à se "sentir" homo ou hétéro, transgenre ou cisgenre. Ce sont des identités qui n'ont de sens que parce qu'elles renvoient à des réalités sociales particulières.
Demander en quoi on se "sent" homme ou femme sous-tend qu'il y a une part de naturel dans ces idées, qu'elles ont une existence pertinente hors du social et de la hiérarchie qui existent entre elles.
Être une femme, ce n'est jamais que ça: faire partie de la classe de sexe inférieure, ce qui implique tout un tas de choses sur le plan de la manière dont on est perçu par nos pairs, dont on est socialisé, de l'exploitation que l'on subit (la division genrée du travail étant la clef de voute du patriarcat, de même que l'exploitation domestique), des violences auxquelles on est exposées, etc.
Nous n'avons pas à nous sentir femmes, nous sommes assignées femmes. Nous sommes perçues comme femmes. Cette assignation est la cause de notre infériorité sociale, de notre altérisation, notre "différence d'avec les hommes" servant à la justifier (et les injonctions à être comme eux ne sont que des pièges, car les hommes ne sont hommes que parce qu'ils oppriment les femmes, de la même manière que parler de bourgeoisie n'a de sens que si il existe également un prolétariat).
Je sais que c'est possible, un ami proche est né homme mais a fini par se rendre compte qu'il se sentait femme et qu'il était né dans le mauvais corps
Je croyais qu'on ne naissait pas femmes mais qu'on le devenait? Je me doute que c'est dans un objectif de simplification, mais une telle formulation est excessivement problématique, puisqu'elle valide de fait le fait qu'il existe un sexe hors du social ET que les identités hommes et femmes existent en dehors de toute socialisation.
Les personnes transgenres ne se reconnaissent pas dans la classe sociale dans laquelle on les a assignées. Dans les pratiques, les contraintes qui vont avec. Elles y étouffent. Non parce que leur cerveau a eu un accident de parcours (et en mettant de coté la pathologisation que ce genre de formulation entretient), mais parce que les normes qui servent à justifier la domination des hommes sur les femmes sont si lourdes et pesantes qu'elles peuvent étouffer les individus et leur faire ressentir un décalage entre ce qu'elles ont envie d'être/ dont elles ont envie d'être perçue et comment elles le sont effectivement, et c'est ce décalage qui est source de dysphorie.
On reste homme ou femme, qui et quoi qu'on aime, fait, pense [en dehors du sexe social en somme]
Alors en fait non. Les catégories hommes et femmes aussi sont sociales. Le fait de se baser sur la forme des organes génitaux pour avoir crée des groupes sociaux/pour désigner des individus entiers est un fait social. De même qu'avoir crée une dichotomie à l'intérieur d'un spectre: il s'agit forcément d'un acte social arbitraire.
Mais, c'est scientifiquement prouvé qu'il y a des différences entre les hommes et les femmes au dela de leur sexe et de leur taux d'estrogene/testosterone[...]
Plus ma réflexion sur le genre avance plus je trouve que ce genre d'affirmation pose soucis.
Bon déjà parce que c'est faux et/ou laaaaargement plus nuancé que ça en réalité, mais à la limite ce n'est pas le plus important (les documentaires c'est généralement un très mauvais moyen d'apprendre des trucs, mieux vaut regarder des conférences ou lire des bouquins ^^).
Pourquoi je dis que c'est pas le plus important? Pour une raison simple. Supposons que demain on découvre que, je sais pas moi, les femmes sont un peu moins bonnes en maths que les garçons. On va se servir de ça pour justifier la moindre place des femmes dans les sciences, mais ça va poser deux soucis.
Déjà, un finalisme honteux qui devrait faire bondir tous.tes les amoureux.ses de sciences. Sauf à vouloir faire son Pangloss, une différence n'est pas porteuse de sens en soi, c'est nous qui lui en donnons une. Et la réussite dans un domaine est loin de se limiter à (par exemple) une meilleure capacité d'abstraction, mais dépend de quantité d'autres facteurs. Par exemple, des chercheurs qui bossent ensemble mais ne peuvent pas se piffer pourront être aussi brillants que possible, des chercheurs un peu moins bons mais soudés auront de meilleurs résultats.
Mais surtout, il s'agit d'une justification de la domination
a posteriori. On crée de la hiérarchie, puis on essaie de la justifier APRÈS. En divisant les tâches, en trouvant des explications biologisantes. Nos différences, si tant est qu'elles existent, ne font partie que de l'immense quantité de données biologiques qui font un individu. Et pour la plupart d'entre elles, ils nous sembleraient absurde de créer des groupes sociaux se basant dessus.
C'est pour cela que l'on dit que le genre précède le sexe: la hiérarchie précède la division de l'humanité en classes de sexe. Et l'existence de ces classes de sexe sert à justifier la domination dans un mouvement qui s'auto-entretient.
Voila, et sinon si ça intéresse des gens qui ont envie d'aller plus loin, je pose ici des scans du texte "Penser le genre: problèmes et résistances" de Delphy.
https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/851/files/2015/11/delphy.genre_.pdf
Dernière modification par Evelirune (Le 04-11-2017 à 15h37)